LEO : l’impasse d’un projet d’un autre siècle

- Entrée sud de la Liaison Est Ouest d’Avignon - crédit photo : PRG

À l’heure où notre territoire étouffe sous la congestion, les pollutions et les fractures territoriales, l’État relance une infrastructure d’un autre siècle : la seconde tranche de la Liaison Est-Ouest (LEO). Un tracé coûteux, inefficace, écologiquement destructeur, et en total décalage avec les véritables besoins du bassin de vie. Face à ce passage en force, des élus locaux appellent à une alternative crédible, fondée sur le dialogue, la santé publique, la soutenabilité et une gouvernance partagée.

L’intérêt général ne se décrète pas : il se construit.


Quand les vieilles recettes aggravent les maux qu’elles prétendent guérir

Le 19 mai 2025, à l’initiative du préfet de région, les collectivités locales ont été conviées à une réunion autour de la seconde tranche de la Liaison Est-Ouest (LEO). Cette initiative, censée constituer un sursaut au nom de l’intérêt général, révèle au contraire une fracture territoriale préoccupante et une obstination à poursuivre un projet manifestement dépassé, dispendieux, et contre-productif.

Il est de notre devoir d’élus responsables de rappeler que l’intérêt général ne peut se résumer à faire passer un vieux projet en force. Il se construit à l’écoute des territoires, de leurs habitants d’aujourd’hui et dans le respect de ceux de demain, de leurs réalités écologiques et sociales, et surtout de leurs perspectives d’avenir.

 

Un tracé dépassé, contraire aux objectifs affichés

Tracé Est-Ouest débouchant au rond point de l’Amandier.

Le tracé aujourd’hui proposé pour la tranche 2 de la LEO, entre Rognonas et le rond-point de l’Amandier, est une aberration fonctionnelle. Il ne désengorge pas la ville. Au contraire, il injectera brutalement plus de 30.000 véhicules par jour dans un carrefour déjà saturé aux heures de pointe. Plutôt que de soulager la circulation, il risque de créer un point noir routier majeur à l’échelle de l’agglomération.

La promesse initiale de relier les autoroutes A7 et A9 reste, par ailleurs, lettre morte : cette seconde tranche, isolée et sans complément, ne permettra aucune liaison autoroutière efficace, sauf à engager des dépenses supplémentaires pour une hypothétique tranche 3 non financée.

 

Ce qui manque vraiment : un pont sur le Rhône

L’urgence véritable pour notre bassin de vie n’est pas une route en plus dans une zone saturée : c’est une traversée supplémentaire du Rhône, permettant enfin un contournement fluide et équilibré d’Avignon. Aujourd’hui, le pont Daladier, le pont de l’Europe et l’échangeur autoroutier de Remoulins sont les seules issues — engorgées — pour franchir le fleuve dans notre agglomération.

Cette absence de franchissement supplémentaire crée un goulet d’étranglement permanent entre Vaucluse et Gard, nuisible au développement économique, aux mobilités quotidiennes comme à la qualité de vie des habitants. Un nouveau pont, à l’ouest ou au sud, constituerait une véritable infrastructure d’intérêt général, cohérente avec les besoins réels du territoire.

 

Une rocade saturée, un enjeu de santé publique

La rocade d’Avignon, conçue pour canaliser le trafic régional, est aujourd’hui submergée par un flux quotidien de poids lourds, notamment en transit entre l’Espagne et la vallée du Rhône. Ce trafic intense engendre une pollution atmosphérique préoccupante, qui impacte directement la santé des riverains et alimente les pathologies respiratoires chroniques — en particulier chez les enfants et les personnes âgées.

C’est un impératif sanitaire autant qu’environnemental de détourner une partie de ce trafic, en créant une voie de contournement efficace hors des zones d’habitation dense. Ce n’est pas la LEO actuelle, qui se déverse sur l’Amandier et traverse la ceinture verte, qui répond à cet impératif. C’est une réelle alternative au sud, connectée intelligemment aux réseaux autoroutiers, qui permettra de désaturer la rocade et la RN7, de réduire les émissions, et de rendre la circulation plus supportable pour tous.

 

Une dérive financière indéfendable

Le coût prévisionnel de la seconde tranche a franchi un seuil critique. De 97 à 141 M€ en 2007, les dernières estimations évoquent désormais un montant proche de 300 M€, soit le triple du chiffrage initial【La Provence, 24/05/2025】.

Cet emballement budgétaire, dans un contexte de contraintes financières fortes pour l’État comme pour les collectivités, interroge gravement la responsabilité d’engager une telle somme dans un projet aussi contesté et obsolète, sans garantie de pertinence ni d'efficacité.

 

Pressions de l'État, absence de gouvernance partagée

L’État entend "mettre la pression" pour sauver la réalisation de la tranche 2. Cette stratégie verticale accroît la tension entre l’administration centrale et les élus de terrain, en particulier ceux de la Ville et du Grand Avignon, qui demandent une réévaluation complète du projet à l’aune des réalités actuelles du territoire.

Ce projet, loin de rassembler, divise : il illustre le manque de dialogue stratégique et l’absence de gouvernance concertée, condition pourtant indispensable à toute opération d’aménagement d’intérêt général.

 

Une catastrophe écologique évitable

La Ceinture verte d’Avignon, espace nourricier, tampon écologique et ressource paysagère, serait profondément entaillée par ce tracé. Des terres agricoles fertiles, aujourd’hui sous pression foncière, seraient sacrifiées sur l’autel d’une infrastructure routière inadaptée. En pleine urgence climatique et alimentaire, qui peut sérieusement défendre une telle saignée ?

  

Des alternatives crédibles existent

Refuser la LEO dans sa forme actuelle, ce n’est pas renoncer à agir, c’est appeler à une solution plus moderne, plus rationnelle, plus respectueuse de notre territoire.

Une LEO repensée au sud de la voie TGV, longeant la Durance et connectée à Bonpas, est une solution techniquement réaliste, écologiquement soutenable et économiquement plus efficiente. Elle permettrait d’alléger réellement le trafic de transit tout en épargnant les zones naturelles et agricoles.

Et surtout, elle doit s’accompagner d’une priorisation claire d’un nouveau franchissement du Rhône, seul projet à même de desserrer l’étau de la congestion structurante qui pèse sur l’agglomération, et de répondre à l’urgence sanitaire d’une circulation mieux régulée.

 

Pour une gouvernance responsable et tournée vers l’avenir

Les élus avignonnais, loin de se replier sur leur territoire, défendent une vision d’avenir pour l’ensemble du bassin de vie. Une vision qui refuse les recettes du passé pour privilégier des politiques cohérentes avec les défis du XXIe siècle : sobriété, résilience, proximité.

Il ne suffit pas de convoquer l’intérêt général, encore faut-il en respecter les exigences : utilité, soutenabilité, justice territoriale, santé publique et concertation démocratique.

 

Un réexamen du projet LEO est la clé

Dans le cadre du prochain Contrat de plan État-Région, il est temps de rouvrir objectivement le dossier. Le dialogue entre territoires ne peut s’épanouir dans l’invective ou la sommation, mais dans l’écoute mutuelle et l’analyse rigoureuse des faits.

Prioriser la réalisation du barreau de Rognonas, de la tranche n°3 qui doit donner un nouveau pont pour traverser le Rhône, et compléter la desserte routière au nord des Bouches-du-Rhônes, rendu déjà nécessaire par le raccordement du nouveau M.I.N. de Châteaurenard à l’autoroute, voici un chemin qui ne remet pas tout à plat, qui ne fait pas perdre 10 ans, et qui répond au besoin d’une liaison complète de contournement d’Avignon.




Une autre LEO est possible. Une autre LEO est nécessaire.
Les priorités : un nouveau pont sur le Rhône et une rocade respirable.

 

Pour vous faire votre opinion :

LEO - Liaison Est Ouest à Avignon, dossier des services de l’Etat : https://www.paca.developpement-durable.gouv.fr/leo-liaison-est-ouest-a-avignon-r1369.html

L’Écho du Mardi, 23 mai 2025 – « LEO : quand la ville et l’agglo d’Avignon s’opposent à leur propre bassin de vie » : https://www.echodumardi.com/dossier/leo-quand-la-ville-et-lagglo-davignon-sopposent-a-leur-propre-bassin-de-vie/

La Provence, 24 mai 2025 – « Voie LEO : l’État met la pression pour sauver la tranche 2 »

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